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Sall

Un fonds souverain nouvelle génération au Sénégal (fr)

L’architecture financière mondiale se recompose, sans oublier l'Afrique. Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui s'est tenu à Durban les 26 et 27 mars, était intitulé : "BRICS et Afrique : un partenariat pour le développement, l'intégration et l'industrialisation".

Les BRICS y avaient invité une douzaine de dirigeants africains. Ils y ont aussi annoncé la création d'une "banque de développement" dotée d'un capital initial paritaire apporté par les cinq pays, pour un total de 50 milliards de dollars (38 milliards d'euros), mais la Chine était prête à quadrupler sa mise.

La rapidité des négociations et l'importance de la mise initiale ont fait taire les sceptiques. Et les BRICS visent un nouvel objectif : la création d'un fonds de stabilité mutualisant des réserves de devises - on évoque une centaine de milliards de dollars.

OPTIMISER LE MARCHÉ DE LA DETTE PUBLIQUE

Ces initiatives ont bien sûr retenu l'attention des ministres des finances de la zone franc (la France et 15 pays d'Afrique), réunis du 6 au 9 avril, à Dakar (Sénégal). Bien que la réunion ait été "technique" et sans "discussion de fond", Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, y a évoqué la recherche de "mécanismes pour mettre les réserves de change au service de l'investissement" pour la zone.

Et la puissance invitante, par le biais de son premier ministre, a directement évoqué le besoin d'un "fonds de stabilité financière", rappelant la volonté de son président, MackySall, d'optimiser le marché de la dette publique sénégalaise.

Car qu'il n'y a pas que les BRICS qui innovent en Afrique. Promesse de campagne du candidat Sall, élu le 25 mars 2012, un Fonds souverain d'investissements stratégiques (Fonsis) vient d'être mis en place au Sénégal. Doté à terme de 500 milliards de Francs CFA (750 millions d'euros) en cash et en actifs d'Etat, il a été capitalisé pour une première tranche de 20 %. Dans la zone franc, seul le Gabon pétrolier possède un fonds souverain.

PIONNIER

Avec le Fonsis, le Sénégal est devenu pionnier : il est le premier pays au monde à se doter d'un tel fonds alors qu'il n'a ni rente minière (comme les pays du Golfe par exemple) ni rente commerciale (comme Singapour ou Panama).

Si le Fonsis s'inspire des pays émergents dans ses cibles - énergie, infrastructures, industrie, agriculture, immobilier -, il investira en revanche à domicile, visant l'emploi et la substitution aux importations.

La grande innovation sénégalaise est l'ambition du Fonsis de mobiliser des ressources complémentaires, garanties sur son capital, par l'émission d'obligations auprès d'institutions financières et de bailleurs. Il pourra recourir aux autres fonds souverains, voire aux fonds privés.

L'idée est d'obtenir un effet de levier à partir d'actifs publics longtemps sous-utilisés. Loin d'être une simple banque de développement, le fonds accompagnera en co-investisseur stratégique des entrepreneurs en prenant des participations dans des PME, sur le modèle des fonds de capitaux privés de "privateequity".

Le Sénégal s'inspire des BRICS, mais innove dans la zone franc ; parions que le fonds BRICS s'intéressera au Fonsis, espérons que le Fonds stratégique d'investissement français fera de même.

Joël Ruet (CNRS, associé à l'Iddri-Sciences Po)

Source de l'article:Le Monde