BABACAR GNING, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FONSIS
«Oyass capital pourra investir jusqu’à 2,5 milliards de FCfa par Pme»
LE SOLEIL – LUNDI 14 OCTOBRE 2024 www.lesoleil.sn
Nommé à la tête du Fonds souverain d’investissements stratégiques (Fonsis), en mai dernier, Babacar Gning détaille, dans cette interview, ses ambitions pour renforcer l’impact de la structure dans la mobilisation de capitaux privés au service du développement économique du Sénégal. Parmi les instruments phares qu’il met en avant, le fonds Oyass capital se distingue comme un levier clé pour accompagner l’émergence de champions nationaux. Selon lui, ce fonds pourra injecter jusqu’à 2,5 milliards de FCfa par Pme, favorisant ainsi l’expansion des entreprises locales et la création de valeur.
Entretien réalisé par Demba DIENG
Cela fait environ 100 jours que vous êtes à la tête du Fonsis. Quelles ont été vos premières actions ?
En prenant la direction du Fonsis, nous avons immédiatement reconnu l’importance de renforcer davantage son rôle central dans l’économie sénégalaise. En tant que Fonds souverain d’investissements stratégiques, le Fonsis poursuit trois objectifs principaux : attirer des capitaux privés pour réduire la pression exercée par les projets stratégiques sur le budget de l’État ; gérer les actifs stratégiques du pays ; soutenir les entreprises, en particulier les PME, grâce à des instruments de financement innovants et adaptés. Dès le début, nous avons lancé quatre chantiers majeurs. Tout d’abord, il était essentiel d’actualiser la stratégie d’investissement pour l’aligner sur les nouvelles priorités du gouvernement. Ce travail est en cours avec le ministère des Finances pour en préciser les modalités de financement. Ensuite, au niveau organisationnel, nous avons renforcé l’autonomie de nos filiales et de nos pôles métiers afin d’accroitre notre efficacité et d’améliorer notre performance. Le troisième axe a porté sur le renforcement de nos partenariats. Nous avons signé un accord avec le Fonds souverain d’Espagne (Cofides) et rejoint le Haut comité consultatif du Commonwealth ; ce qui nous permet d’accroitre la visibilité du Sénégal sur des projets d’énergie propre. Enfin, notre dernier chantier vise à améliorer l’impact de nos investissements sur le développement économique en assurant une gestion rigoureuse et performante de nos actifs.
En 10 ans d’activité, quel a été l’impact du Fonsis sur l’économie sénégalaise ?
Depuis sa création, le Fonsis a investi 50 milliards de FCfa dans l’économie nationale. Grâce à un effet de levier de 1 pour 10, cela a permis de mobiliser plus de 500 milliards de FCfa. Autrement dit, pour chaque franc investi par le Fonsis, 9 francs supplémentaires sont mobilisés via des capitaux privés, à la fois nationaux et internationaux. En plus de ces investissements directs, le Fonsis a mis en place quatre fonds de capital-investissement, avec un montant total cumulé de 85 milliards de FCfa, exclusivement dédiés aux PME sénégalaises. Ces initiatives visent à renforcer l’écosystème des PME, un secteur vital pour notre économie.
Le fonds Oyass capital a récemment été lancé. Quels sont ses objectifs ?
Oyass capital est un outil majeur pour soutenir nos PME qui représentent environ 99,8 % du tissu économique sénégalais. Cependant, elles ne génèrent que 30 % du chiffre d’affaires global ; ce qui montre que le potentiel est encore inexploité. Avec Oyass capital, nous pouvons injecter jusqu’à 2,5 milliards de FCfa en capital par PME. Ce fonds vise donc à accélérer l’émergence de champions nationaux en apportant un financement patient et flexible. En offrant un financement qui ne repose pas uniquement sur la dette bancaire traditionnelle, Oyass capital permet de prendre des risques que les banques hésitent parfois à assumer. En plus de l’investissement en capital, Oyass capital offre une assistance technique pour aider les PME à combler les faiblesses identifiées lors de l’instruction de leur dossier. Cela permet de maximiser les chances de succès des investissements réalisés. Par ailleurs, la particularité d’Oyass réside dans la flexibilité de son modèle financier. Les PME ne remboursent que si elles ont la capacité financière de le faire puisque les revenus d’Oyass sont essentiellement constitués de dividendes et de plus-values générées lors de la revente des parts. Cela crée un véritable partage des risques avec l’entrepreneur.
Quels autres avantages Oyass capital apporte-t-il aux Pme ?
L’un des principaux atouts d’Oyass capital est qu’il renforce la gouvernance des PME dans lesquelles il investit. Lorsque vous investissez en capital, sans garantie ni tableau d’amortissement, il est essentiel de veiller à une gestion rigoureuse de l’entreprise. Oyass aide ainsi à instaurer une distinction claire entre la gestion opérationnelle et le Conseil d’administration, garantissant ainsi une saine gouvernance. En outre, en mobilisant un financement en capital, les PME renforcent leurs fonds propres ; ce qui les rend plus attractives pour les banques. Cela facilite ainsi l’accès à la dette bancaire à des conditions plus avantageuses.
Que fait le Fonsis pour promouvoir davantage le partenariat public-privé ?
Le Fonsis a été un acteur clé dans le développement des Ppp, particulièrement dans le secteur des énergies renouvelables. En 2016, nous avons mis en œuvre la centrale solaire Senergy, l’un des premiers contrats de production indépendante d’énergie solaire au Sénégal. Depuis, nous avons développé et financé quatre centrales solaires, représentant près de la moitié de la capacité solaire installée au Sénégal en 2022. Actuellement, nous travaillons sur une cinquième centrale solaire qui sera dédiée à 100 % au projet de Bus Rapid Transit (Brt), faisant de ce programme un modèle de mobilité propre. Ces Ppp dans l’énergie ont permis d’attirer d’importants capitaux privés dans un secteur stratégique pour notre pays. Nous avons également introduit des Ppp dans le secteur de la santé. Par exemple, l’hôpital Matlaboul Fawzeyni, à Touba, a été réalisé via un schéma PPP où le Fonsis a conçu, financé et livré le projet à l’État qui procède à des paiements périodiques. Un autre exemple est le Centre d’imagerie médicale de Mbour, également développé en partenariat avec le ministère de la Santé. Ce Ppp est financé par les usagers et permet de garantir un service médical de qualité à la population. Dans tous ces projets, le Fonsis est prêt à céder une partie de ses parts au secteur privé national, lui permettant ainsi de s’impliquer dans ces initiatives sans avoir à supporter les risques initiaux.
Quelles sont les initiatives du Fonsis pour mobiliser davantage d’épargne nationale dans les projets de développement ?
Nous travaillons actuellement avec Cgf Gestion et le ministère de l’Économie pour créer un Fonds commun de placement à risque (Fcpr). Cet instrument financier permettra à chaque Sénégalais ainsi qu’aux entreprises et institutions locales de participer au financement des grands projets Ppp que l’État met en place. Cela permettra à la population d’avoir une part de propriété dans les infrastructures qui façonneront le Sénégal de demain.
Dans le cadre de l’exploitation de nos hydrocarbures, un fonds intergénérationnel est confié au Fonsis. Quelle est l’utilité de ce mécanisme ?
Le Fonds intergénérationnel, la philosophie sous-jacente à sa création, c’est la constitution d’une épargne qui pourra nous servir par rapport à ces deux aspects que nous venons de mentionner. Il y a une loi qui a été votée et qui consiste à dire que sur tous les revenus que le Sénégal aura en matière d’exploitation des hydrocarbures, 90 % sont utilisés dans le budget de l’État et 10 % mis en épargne dans le Fonds intergénération-
Cela fait environ 100 jours que vous êtes à la tête du Fon- sis. Quelles ont été vos premières actions ?
En prenant la direction du Fonsis, nous avons immédiatement reconnu l’importance de renforcer davantage son rôle central dans l’économie sénégalaise. En tant que Fonds souverain d’investissements stratégiques, le Fonsis poursuit trois objectifs principaux : attirer des capitaux privés pour réduire la pression exercée par les projets stratégiques sur le budget de l’État ; gérer les actifs stratégiques du pays ; soutenir les entreprises, en particulier les Pme, grâce à des instruments de financement innovants et adaptés. Dès le début, nous avons lancé quatre chantiers majeurs. Tout d’abord, il était essentiel d’actualiser la stratégie d’investissement pour l’aligner sur les nouvelles priorités du gouvernement. Ce travail est en cours avec le ministère des Finances pour en préciser les modalités de financement. Ensuite, au niveau organisationnel, nous avons renforcé l’autonomie de nos filiales et de nos pôles métiers afin d’accroitre notre efficacité et d’améliorer notre performance. Le troisième axe a porté sur le renforcement de nos partenariats. Nous avons signé un accord avec le Fonds souverain d’Espagne (Cofides) et rejoint le Haut comité consultatif du Commonwealth ; ce qui nous permet d’accroitre la visibilité du Sénégal sur des projets d’énergie propre. Enfin, notre dernier chantier vise à améliorer l’impact de nos investissements sur le développement économique en assurant une gestion rigoureuse et performante de nos actifs.
En 10 ans d’activité, quel a été l’impact du Fonsis sur l’économie sénégalaise ?
Depuis sa création, le Fonsis a investi 50 milliards de FCfa dans l’économie nationale. Grâce à un effet de levier de 1 pour 10, cela a permis de mobiliser plus de 500 milliards de FCfa. Autrement dit, pour chaque franc investi par le Fonsis, 9 francs supplémentaires sont mobilisés via des capitaux privés, à la fois nationaux et internationaux. En plus de ces investissements directs, le Fonsis a mis en place quatre fonds de capital-investissement, avec un montant total cumulé de 85 milliards de FCfa, exclusivement dédiés aux Pme sénégalaises. Ces initiatives visent à renforcer l’écosystème des Pme, un secteur vital pour notre économie.
Le fonds Oyass capital a récemment été lancé. Quels sont ses objectifs ?
Oyass capital est un outil majeur pour soutenir nos Pme qui représentent environ 99,8 % du tissu économique sénégalais. Cependant, elles ne génèrent que 30 % du chiffre d’affaires global ; ce qui montre que le potentiel est encore inexploité. Avec Oyass Capital, nous pouvons injecter jusqu’à 2,5 milliards de FCfa en capital par Pme. Ce fonds vise donc à accélérer l’émergence de champions nationaux en apportant un financement patient et flexible. En offrant un financement qui ne repose pas uniquement sur la dette bancaire traditionnelle, Oyass capital permet de prendre des risques que les banques hésitent parfois à assumer. En plus de l’investissement en capital, Oyass capital offre une assistance technique pour aider les Pme à combler les faiblesses identifiées lors de l’instruction de leur dossier. Cela permet de maximiser les chances de succès des investissements réalisés. Par ailleurs, la particularité d’Oyass réside dans la flexibilité de son modèle financier. Les Pme ne remboursent que si elles ont la capacité financière de le faire puisque les revenus d’Oyass sont essentiellement constitués de dividendes et de plus-values générées lors de la revente des parts. Cela crée un véritable partage des risques avec l’entrepreneur.
Quels autres avantages Oyass capital apporte-t-il aux Pme ?
L’un des principaux atouts d’Oyass capital est qu’il renforce la gouvernance des Pme dans lesquelles il investit. Lorsque vous investissez en capital, sans garantie ni tableau d’amortissement, il est essentiel de veiller à une gestion rigoureuse de l’entreprise. Oyass aide ainsi à instaurer une distinction claire entre la gestion opérationnelle et le Conseil d’administration, garantissant ainsi une saine gouvernance. En outre, en mobilisant un financement en capital, les Pme renforcent leurs fonds propres ; ce qui les rend plus attractives pour les banques. Cela facilite ainsi l’accès à la dette bancaire à des conditions plus avantageuses.
Que fait le Fonsis pour promouvoir davantage le partenariat public-privé ?
Le Fonds intergénérationnel, la philosophie sous-jacente à sa création, c’est la constitution d’une épargne qui pourra nous servir par rapport à ces deux aspects que nous venons de mentionner. Il y a une loi qui a été votée et qui consiste à dire que sur tous les revenus que le Sénégal aura en matière d’exploitation des hydrocarbures, 90 % sont utilisés dans le budget de l’État et 10 % mis en épargne dans le Fonds intergénérationnel. Celui-ci va donc recueillir, chaque année, un minimum de 10 % des revenus tirés d’exploitation des hydrocarbures pour les investir et les fructifier afin de maximiser la rentabilité financière et économique pour le pays. Il va viser des investissements qui ne sont pas risqués du tout, ou avec un très faible niveau de risque, et également avec un niveau de rentabilité faible, mais constant et à long terme. Donc, c’est cela, en fait, la vocation du Fonds intergénérationnel.
À quoi cela servira-t-il au Sénégal ?
D’une part, en cas de crise, il permettra au gouvernement du Sénégal de tirer une partie des recettes du Fonds pour faire face à cette situation économique ; ce qui lui évitera immédiatement d’aller demander de la dette en étant en position de faiblesse ou d’augmenter les taxes et les impôts pour faire face à cette crise aiguë. D’autre part, il permettra à l’État de constituer une manne financière importante, comme mentionné tantôt, mais qui, éventuellement, peut être utilisée dans les très grands projets ayant un niveau de rentabilité à très long terme. En effet, il peut y avoir parfois, dans un pays, des projets qui peuvent prendre 30, voire 40 ans, pour atteindre la rentabilité. Également, cette manne financière pourrait, dans une certaine mesure, aider l’État à financer ses très grands projets qui sont extrêmement stratégiques pour le pays, car transformationnels, mais ont un horizon de rentabilité très lointain. Ce faisant, elle va attirer des capitaux privés à côté de l’État pour financer ces projets. L’autre élément important sur le Fonds intergénérationnel, c’est cette manne financière qui sera constituée et va permettre, une fois les recettes d’hydrocarbures épuisées, aux générations futures, c’est-à-dire aux générations de Sénégalais qui arriveront quand il n’y aura plus de pétrole et de gaz, de tirer régulièrement, chaque année, du Fonds et de continuer à investir dans le pays et de ne pas souffrir de l’absence ou de l’épuisement des recettes du pétrole et du gaz. À titre illustratif, parce que c’est toujours important d’illustrer, quand vous prenez, par exemple, le cas de la Russie, quand il y a eu la Covid-19, c’est le Fonds d’investissement direct russe (Rdif, Russian Direct Investment Fund en anglais), qui a été utilisé pour financer la re- cherche, le développement et la fabrication du vaccin russe Sputnik V. il a donc permis finalement à la Russie de faire face à la crise de la Covid-19 en toute sérénité, parce que très rapidement, les autorités ont pu avoir un instrument financier qu’elles ont mis à disposition pour mettre en place ce vaccin qui a été utilisé dans le pays et dans d’autres États.